1 LA CIGALE
Larve cigale en juin, bien mise en chrysalide,
Sort en hâte du trou qu'en terre elle occupait,
Pressée de dénicher un coin d'écorce en paix,
Pour en faire une base amoureuse et solide.
Sitôt fait, elle peut maintenant commencer
À ôter ce corset qui l'enferme, l'emmêle,
Puis sans perdre de temps, appelle les femelles
En chantant, ventre creux, afin de mieux crisser.
Septembre étant, de son histoire, le couchant,
Et ce proche horizon faisant ses heures chères,
Sur un arbre elle pond ses œufs et sur-le-champ.
Aussi, quand notre sieste est remplie de son chant,
Laissons-la faire en supportant sa surenchère,
La vie de la cigale est si courte, peuchère !
2 LA CHAÎNE
Un dimanche d'été, des amis volontaires
Se trouvent réunis pour aider une sœur
À monter en son home, en haut, sans ascenseur,
Un nombre de fardeaux que nous dirons austère.
Ils adoptent l'avis, (garanti le meilleur
Par celui qui s'impose en sage patriarche),
Que chacun portera chaque faix sur dix marches,
Comme le font en s'épuisant les relayeurs.
Aucun d'eux n'entrevoit, dans une humble éclaircie,
De copier nos anciens qui se passaient des seaux
Quand un feu quelque part, avait donné l'assaut,
Jambes campées dans une vitale inertie,
Bras pouvant, sans peiner, œuvrer in extenso.
Souhaitons à ces amis qu'un feu les initie.
3 AU MATIN DU 8 MAI, EN 2017
Au matin du 8 mai, en deux mille dix sept,
À l'heure où les journaux coulent sous les offsets,
Un homme, surgissant d'une nuit arrosée,
Secoue la grille du Palais de l’Élysée.
Le surveillant, garant de la sécurité,
S'approche en se méfiant de cet homme agité
Qui, redoutant mais se fichant qu'on l’enguirlande,
Demande à rencontrer le Président Hollande.
Le planton lui répond que depuis ce lundi,
Pour Hollande ce lieu n'est plus le paradis.
L'homme, sachant qu'on ne peut le lui interdire,
Renouvelle son souhait, causant du garde l'ire ;
Vous êtes-sourd ? Hollande a chu ; et le gars dit :
J'ai tellement plaisir à vous l'entendre dire.
4 LE JOUR D'APRÈS
Si vous souhaitez, monsieur, prolonger l'aventure,
Le lendemain d'une première nuit d'amour,
Dans la salle de bain, vite allez faire un tour
Et lavez-vous presto sous toutes les coutures.
Ne restez pas longtemps en slip ou caleçon,
Évitez rots et vents au moment des tartines ;
Causez-lui, flattez-la, mais si la libertine
Baille à vous en faire bailler, coupez le son.
Ne parlez pas ''maison pleine de joyeux anges''
Qui produiront leur lot de bruyants avatars,
Ni de vos ascendants, gâteaux ou fouettards.
C'est gagné si son bol, elle le lave et range,
Mais si elle s'habille avant son jus d'orange,
Ne faites rien, hélas, il est déjà trop tard.
5 AVIS AUX CRÉATEURS
Qui donne ses écrits d'allure poétique
À des amis friands de versification,
Peut en être meurtri s'il n'aime les critiques
Qu'il croit faites à lui plus qu'à ses créations.
Tout artisan des mots, comme tout créateur,
N'étant pas sot, devrait pourtant, d'instinct comprendre,
Qu'il n'est toujours, de l'art, qu'un humble serviteur,
Et que d'un son de cloche, on peut encore apprendre.
Qu'il confronte plutôt ses idées élevées
À celles de celui qui porte un jugement
Sur son œuvre sacrée qu'il croyait achevée ;
Qu'il mette son ego dans sa poche un moment
Et songe que son Graal et apogée rêvée,
S'éloignera de lui, toujours au firmament.
6 L’HUMILITÉ
Qu'aucun lecteur ici ne se sente insulté
En lisant les quatrains édifiants qui vont suivre,
Que nous avons tiré du remarquable livre :
''Petits conseils aux nuls manquant d'humilité''.
1 Évitez de sauter comme une sauterelle
Après un compliment, un honneur qu'on vous rend,
Tâchez de maîtriser dans un calme apparent,
Votre intense émotion, votre joie naturelle.
2 L'humilité, la vraie ressemble à cette fleur
Encore irrévélée sous les herbes menues,
Mais qui jamais ne reste ad vitam inconnue,
Tant elle est appréciée des bons nez renifleurs.
3 L'humilité ne vêt ni les rois ni les princes
Braillant comme des paons dans leurs habits dorés,
Pas plus qu'elle n'habille un élu décoré
Qui foule d'un pas lent un plancher de province.
4 Méfiez-vous du faux humble et flatteur et futé,
Qui de façon marquée, devant les grands, s'efface,
Mais dont l'orgueil allant du fond à la surface,
Se cache sous un masque empreint d'humilité.
5 L'humilité n'est pas qualité naturelle,
Elle n'est pas infuse en l'être débutant,
Mais vient ou ne vient pas, un jour, avec le temps,
Dans une élévation sage et spirituelle.
6 La modestie s'apparente à l'humilité,
À une humilité fièrement manifeste.
Ceux qui sérieusement se prétendent modestes,
S'ils ne sont pas idiots, adorent plaisanter.
7 L'humilité désigne un trait de caractère,
Celui de ceux qui savent bien qu'un jour viendra
Où ils s'en remettront aux auspices d'un drap,
Et que l'humilité prend sa racine en terre.
8 L'humilité se glisse en tout être humain qui
A compris, en vertu d'un principe suprême,
Qu'il doit tout au destin, ne doit rien à lui-même,
Ni son courage inné, ni ses écus acquis.
9 L'humilité conduit les gestes de l'apôtre
Qui regarde le monde en simple observateur,
Fuyant le malfaisant, aimant le bienfaiteur,
Ne jugeant que lui-même, en aucun cas les autres.
10 Amusez-vous du manque aigu d'humilité,
Mais, par humanité, pas de ceux qui en manquent,
Que vous soyez homme-de-plume ou saltimbanque,
Car l'homme n'est qu'un être en sa fatalité.
7 PAUVRES CERVEAUX
Nous, les cerveaux, qui produisons chez l'homme,
Entre autres, des pensées dénuées de remords,
Des actes insensés, des paroles de mort,
Qui comprendra jamais combien faibles nous sommes.
On nous suppose à priori de bon aloi,
Dans nos crânes bien faits, maîtres de nos neurones ;
On nous croit libres de nos choix là où l'on trône,
Mais nous sommes soumis à d'inflexibles lois.
Non, nous ne cherchons pas de mauvaises excuses,
De la clémence, un pardon miséricordieux,
Pour tout ce qu'on ordonne comme ordres odieux
Aux hommes, et qui font qu'à tort on les accuse,
Mais la nature, aussi de nous, use et abuse,
Et s'il existe en vrai, le responsable est Dieu.
8 CEUX QUI SONT NÉS APRÈS LA GUERRE
Ceux qui sont nés quand renaissait libre la France,
Après l'hydre nazie, les restrictions et la souffrance,
Qui n'ont connu que le pain blanc et le beurrier,
De la sanglante Alger, que des rapatriés,
Ceux que sans longs essais et autres protocoles,
Les patrons s'arrachaient en sortant de l’école,
Qui ont connu les joies d'un monde sans sida
Quand ils étaient encore, au lit de bons soldats,
S'ils sont vivants, ceux-là, nés en quarante quatre,
Bien qu'ils ont eu aussi, tous les jours à se battre,
Doivent songer sans être honteux, sans être fier,
Mais avec la conscience émue que ça requiert,
Qu'ils ont vécu les temps élus les plus amènes
Que pourrait leur envier toute l'histoire humaine.
9 LES SECRETS
Depuis le temps que de puissance ils sont en quête,
Les hommes ont appris à gérer les secrets.
Certains, de vrais tombeaux, les gardent en cachette ;
Essaient de les percer, espions et indiscrets.
La gardienne en sa loge, aux curieux les répète,
Les épanche, l'ivrogne, au fond d'un cabaret,
Le traître les rapporte à ceux qui les achètent.
Jadis, des impétrants juraient qu'ils préféraient,
Plutôt que de trahir des paroles secrètes,
Abandonner leur gorge au fil d'un couperet.
Quant à lui, notre artiste, en dilettante esthète,
Qui nous fait profiter de ses talents discrets,
Gardons-le de jamais choper la grosse tête
En le louant selon nos goûts mais ... en secret.
10 SOLSTICE D’ÉTÉ
Depuis déjà six mois, notre étonnante terre,
En présentant, toujours plus près à chaque tour,
Son hémisphère Nord à notre astre du jour,
Nous offrait chaque jour plus de feu salutaire.
Jusqu'à ce jour de juin, le plus long existant,
Qui fête l'arrivée des journées estivales
Et des soirées peuplées d'estivants en cavale
Qui vite ont oublié les bienfaits du printemps,
Jusqu'à ce jour où notre astre calorifère,
Préférant tout à coup notre Sud hémisphère,
Y porte ses rayons un peu plus chaque jour.
Ce jour là, lentement, nos journées rapetissent,
Laissant place à des nuits plus longues en retour,
Ainsi jusqu'au printemps, jusqu'au prochain solstice.
11 ARIGATÔ et SAYÔNARA
Le Japon s'assimile aux peuples des fourmis,
Besognant, fourmillant sur des ruines fantômes
Après que soient passés les séismes, l'atome,
Le feu des incendies, les eaux des tsunamis.
Mais ce qui marque le touriste avant les Temples,
Le Palais Impérial ou le Pavillon d'or,
Les châteaux, les tombeaux où la monarchie dort,
Avant les cerisiers qu'au printemps on contemple,
C'est cet art inédit, jaloux des traditions
Où l'on se baigne nu dans les eaux magmatiques,
Où l'on déguste crus des poissons exotiques,
Où l'on boit le thé vert après initiation,
Où la vie s'accomplit dans un zen authentique
Qui est au grand voyage, une préparation.
12 MAYUKO
Lorsque tes yeux de jais au fond des miens se coulent,
Semblant s'y réfugier, confiants, abandonnés,
Et tisser entre nous ces liens irraisonnés
Qui font qu'en s'y posant, les colombes roucoulent,
Lorsque tu me souris, rendant jaloux le vent
Qui n'aurait pas su mieux enjoliver ta joue,
Lorsque, dans un français aventureux, tu joues
À m'emmener au pays du soleil levant,
Je voudrais, Mayuko, ma Nipponne de rêve,
Avant que ton séjour ''en Prouvènço'' s'achève,
Te dire que se nouent en moi trois sentiments :
D'être un père pour toi, comme il faut, par moments,
Un ami tout ouïe, dès l'aube qui se lève,
Et quand je prends ta main, un platonique amant.
13 LIBERTÉ OU SÉCURITÉ ?
Combinant droits de l’homme, Internet et marché,
On le rêvait uni, le monde, et pacifique,
Mais l'Histoire à Paris a écrit ''pas si vite,
La mort à tout moment, partout peut vous faucher''.
Nos consciences, depuis, pèsent deux exigences :
Assurer à tout prix notre sécurité
Et ne brider à aucun prix nos libertés :
Notre mode de vie contre un état d'urgence.
Qui sait ce que l'État et nos concitoyens
Feront demain de ce dilemme himalayen
Qui renvoie dos à dos deux vitales logiques,
Mais ce qui est requis en ces moments tragiques,
Absurdes, sans issue, tragico-kafkaïens,
C'est aux grands maux, primo, d'user des grands moyens.
14 ACCORD AMIABLE
Quand nous-nous sommes, Lise et moi, mis en ménage,
Parler à l'unisson était notre apanage ;
Lorsque nous opposait un petit désaccord,
Nous le prenions sur l'oreiller à bras-le-corps.
Puis vint ce temps que tout augure eût pu prédire,
Où sur l'autre on trouvait tout le temps à redire ;
Ce que l'un trouvait beau, l'autre le trouvait laid,
Moi j'aimais le Bordeaux, elle le Beaujolais.
Estimant, ce matin, nos vues inconciliables,
Fatigués de nous chamailler, de nous brouiller,
Nous avons convenu d'un divorce à l'amiable.
Surpris de cet accord éminemment sociable,
Nous vint l'idée, comme au bon temps ensoleillé,
De le rediscuter à chaud sur l'oreiller.
15 LE RÉALISTE
Le pessimiste voit, dans un verre de vin,
Grand mais à moitié plein, un verre à moitié vide,
Son avenir en porte-croix, gris ou livide,
Celui du genre humain effroyablement vain.
L'optimiste voit tout en rose, et ne se plaint
Qu'en ce monde le bon sur le mauvais l'emporte ;
En prenant le demi, mi-rempli qu'on lui porte,
Sourit en se disant qu'il est à moitié plein.
Tandis que lui, n'étant ni joyeux ni morose,
Ne voyant l'avenir ici, ni gris ni rose,
Le réaliste boit son verre sans souci.
Il a compris, abreuvé de sources diverses,
Que tout était écrit d'avance, et puis aussi
Qu'un bien peut amener un mal, comme l'inverse.
16 LA LIBERTÉ
Elle appartient à ceux qu'aucun chef, aucun maître,
N'oppresse sous le poids de son autorité,
À ceux qu'aucun cachot en son obscurité,
Ne couvre, de leur peau, le moindre centimètre.
Elle est le bien de ceux qui pensent et agissent
Sans risquer d'encourir un mauvais châtiment,
De ceux qu'ont épargnés les endoctrinements
Prêchés en des lieux qui, des ténèbres surgissent.
Elle est aussi, pour un poète, un écrivain,
Un moyen de ne pas vider son sac en vain,
De laisser s'imprimer sa verve nuancée
Sur une feuille de papier mise en rouleau
Puis en bouteille et enfin lue au bord de l'eau
Par un lecteur aimant les errantes pensées.
17 LA LIBERTÉ (suite)
La liberté, cet agréable sentiment,
S'insuffle comme un baume en l'avide poitrine
De l'enfant échappé des mains de sa maman
Qui rêve en soupirant devant une vitrine.
Elle embrase le banc, dès le soleil levant,
Du vagabond battant les chemins de fortune
Qui attend de trouver une rose des vents
Dans la fraternité d'une aumône opportune.
On la chante, on la loue, on la met en poème,
On l'aime autant qu'on aime un enfant, un amant,
Mais si elle est de ces baisers que la peau aime,
On ne jouit jamais d'elle aussi profondément,
Si l'on ne dort en paix pour l'avoir défendue,
Que lorsqu'on la recouvre après l'avoir perdue.
18 DONNER
Donner pour éviter la case purgatoire,
Pour afficher notre pitié, notre bonté,
Entrer dans le milieu des mécènes notoires,
Confier notre conscience à la tranquillité.
Donner pour éviter qu'un meuble se dégonde,
Craquant sous un néant de surplus au sommet,
Pour offrir aux objets une histoire seconde,
Éviter la rançon des gaspillages mais,
Qu'on donne à un migrant, à une main pleureuse,
Aux enfants nés de nos étreintes amoureuses,
Qu'on donne quelques sous, son Harley Davidson
Ou sa maison d'Anjou, riveraine de l'Erdre,
Donner de son vivant est l'unique façon
D'éviter à jamais le risque de tout perdre.
19 UN DJIHADISTE
Étranger à ce monde où l'ordre est d'acheter,
Des bons élèves à peau claire, exclu du nombre,
Interdit de projet éclairant sa pénombre,
Il quête en son quartier sa propre identité.
Emplois peu qualifiés, salaires maigrelets
S'ajoutant à son fiel haineux que rien n'étanche,
Il crève de l'envie de prendre sa revanche
Sur une société qui l'ignore et qu'il hait,
Entre dans le djihad, exempt d'un pieux bagage,
Pour entendre un islam au pernicieux langage
Justifier son combat dans ses atrocités.
Se croyant le héros de meurtres légitimes,
Il attend comme prix de sa violence ultime,
Des houris dans l'après et pour l'éternité.
20 LA ROBE DE CHAMBRE
C'était une robe de chambre d'autrefois,
Tricotée main, en laine écrue des Pyrénées,
Que mon vieux père au temps passé m'avait donnée
En me disant ne l'avoir mise qu'une fois.
De mon armoire et de son âme étant le maître,
Je la voyais en y prenant mes oripeaux,
Mais n'ayant pas le temps de prendre du repos,
Je l'y laissais, en pensant ne jamais la mettre.
Jusqu'à hier où j'en ai soulagé sa remise,
L'ai regardée, l'ai respirée puis l'ayant mise,
Dans un vieux fauteuil oublié, me suis logé.
Là j'ai compris, comme un oiseau battant de l'aile,
En l'appréciant et le pleurant en parallèle,
Que le repos venu, j'allais prendre congé.
21 LE DESTIN
Notre destin n'étant que ce qui nous arrive,
Que notre vie soit un torrent impétueux,
Ou un ruisseau des champs, d'un calme vertueux,
Il est, de ces cours d'eau, l'une et l'autre des rives.
Où que l'on coure, où que l'on coule, il nous côtoie
Sous un coin de ciel bleu qu'on aime partager,
Dans un typhon qui fait de nous un naufragé,
Jamais ne nous envie, jamais ne s'apitoie.
À ce dicton empreint d'un mal-être certain,
Affirmant que la mort est le don du destin,
Celui d'Albert Camus tirant sa révérence
Aux destins malheureux, aura ma préférence,
Ma destinée déterminée l'ayant compris :
''Il n'est pas de destin que ne vainc le mépris''.
22 MON FILS AVAIT HUIT ANS
Mon fils avait huit ans, j'allais fêter mes trente,
Quand je lui déclarai d'une voix pénétrante :
''Je préfère mourir encore jeune et beau
Que de vieillir et ressembler aux bonobos''.
Je crus que ma tirade allait le faire rire,
Qu'il allait l'applaudir, dans un livre, l'écrire,
Mais en tordant le nez il me dit, ce moutard :
''À mon avis, papa, je crois que c'est trop tard''.
N'étant le moins du monde, un homme qui s'offusque,
Je lui dis ''tu voudrais, plus tard, me ressembler ?'',
Il me répondit ''oui, mais avec plus de muscles''.
C'est ainsi que depuis cette historiette ancienne,
Lui poser des questions risquant de m'accabler,
Je m'en tiens à l'aider en répondant aux siennes.
23 L'AMOUR ET L'AMITIÉ
Afin que croisse notre espèce, au premier jour,
Suivant la loi de l'attraction universelle,
La nature, ouvrière des Dieux, créa celle
Des corps humains entre eux, bref, inventa l'amour.
L'amour, en tant qu'ardent fabricant d'héritiers,
Suffit, mais entre deux actions reproductives,
L'homme manquant d'une attraction alternative,
La nature, en second, inventa l'amitié.
L'amour et l'amitié, depuis, humble ou altier,
Jamais ne s'emmêlant, refusant les brassages,
Occupent le bon temps des humains de passage
Qui comprennent après des années de métier
Pourquoi sont vraiment faits l'amour et l'amitié,
Que l'un l'est pour les fous et l'autre pour les sages.
24 VINGT ANS
Chaque saison symbolisant l'âge d'un homme,
Le premier temps de son histoire est le printemps ;
Qu'il soit ou non un être libre et autonome,
Qu'il l'ait ou non voulu, un jour il a vingt ans.
Là, où le quitte en fleur, la saison printanière,
Une autre, plus ardente, estivale, l'attend
Qui l'accompagnera, vaillante saisonnière,
Dans ses progrès de vingtenaire débutant.
Entre, ma chère Fleur, dans l'âge du possible,
Propage ton allant, tes rires éclatants,
Ton halo lumineux, ton amour ostensible,
Ainsi tu tromperas la vieillesse inflexible
Car, à en croire Antoine et d'autres fous chantant,
Quand on aime et qu'on rit, on a toujours vingt ans.
25 HARCÈLEMENT OU SÉDUCTION.
Depuis que les garçons chantent, dans leur enfance,
Jeanneton, la rirette et faucille, en vacances,
Comment faire aujourd'hui, pour eux, la distinction
Entre harcèlement, outrage et séduction,
Quand il est dit, dans cette espiègle chansonnette,
Devant des filles enchantées, pour être honnête,
Que les hommes sans exception sont des cochons,
Et que les femmes trouvent ça très folichon ?
Que se rassure cette classe pléthorique ;
Quand on apprend, par une presse satirique
Que des stars d'Hollywood reprochent à Clooney
De ne jamais avoir effleuré leurs bonnets
Ni leur baba, on a compris que ces damoches
Se disent harcelées ..... surtout quand l'homme est moche.
26 JEAN ET JOHNNY
L'un avait eu, petit, une vie de château,
Ses lauriers d'écrivain l'ont ceint comme une ombelle.
Son œuvre se résume en un simple écriteau :
''Je dirai malgré tout que cette vie fut belle''.
L'autre, né dans la rue, ne faisait que chanter
L'amour en éveillant notre allégresse enfouie ;
Son rock, en cinquante ans, nous a réconfortés,
On pleure en le quittant notre jeunesse enfuie.
En nous faisant faux bond tous les deux en décembre,
De l'âge ou du tabac, sacrifiés sur l'autel,
C'est deux académies, amies qui se démembrent.
En nous ayant offert, en joies et en souffrances,
Leurs œuvres de Titan, leurs enfants immortels,
Tous deux, à leur façon, ont honoré la France.
27 ODE AUX LARMES
Que vois-je dans ces yeux luisant pleine lumière ?
Est-ce une larme ou deux prêtes à déborder,
Le présage en ces grains d'un sanglot de première,
Ou bien sont-ce, d'un bain, des restes attardés ?
À moins que ce soit un de ces rires aux larmes
Qui laissent dans la bouche un goût salé-sucré.
Qui me dira pourquoi les larmes me désarment,
Même celle du lait à mon thé, consacré.
Larmes de joies trompant les perles de vitrines,
Pêchées en eaux touchant au bonheur absolu,
Larmes d'un chagrin fou déchirant la poitrine,
Versées pour un amour à jamais révolu,
Que les cloches m'égaient ou que le glas m'alarme,
Larmes, vous me touchez, m'émouvez jusqu'aux larmes.
28 L'IGNORANCE ET L'INDIFFÉRENCE
Le plus commun des maux affectant l'être humain,
Venant en tête au classement, est l'ignorance ;
La talonnant, vient en second l'indifférence ;
Les autres petits maux se tiennent par la main.
L'ignorance, infectieuse, inocule la peur
Qui se déclare en haine et suppure en violence.
L'indifférence, en s'enfermant dans le silence,
Diffuse en respirant, ses putrides vapeurs.
Entre ces maux fâcheux que les hommes affichent,
Et dont ils sont souvent par tous les deux, servis,
Entre ces maladies touchant pauvres et riches,
Le choléra qui tue, la peste qui sévit,
Quel est le plus mortel, amis, à votre avis ?
En tous les cas, moi je l'ignore et je m'en fiche.
29 ON A CENT FOIS RAISON
Quand on voit sous tous les climats, et de plus belle,
Que le soleil se perd à travers des brouillards
Que respirent masqués, les jeunes, les vieillards,
Que nos sources, nos mers égalent nos poubelles,
Quand on sait que chacun joue cette tragédie
Dans laquelle nos faims engendrent nos déchets
Qui nous tueront, sinon de front, par ricochet,
Mais qu'on joue comme des zombis, en comédie,
Quand on sait que l'auto, le bateau, le charter,
Qu'on prend pour imiter les Tintin reporters,
Servent ce drame humain, ce roman à suspense,
De ces gens comme vous et moi, bien comme il faut,
Qui filment la faune aux abois, fuyant la faux,
On a cent fois raison de penser ce qu'on pense.
30 LES BAISERS
On se plaît, se sourit, se séduit puis s'embrasse.
Le bouche à bouche en baisers brefs ou langoureux,
Termine la partie du chapitre amoureux
Ouvrant sur le flagelle et sa biotique brasse.
Mais le baiser connaît d'autres jolies figures
Réservées aux enfants, aux parents, aux amis,
Le baiser sur la joue, sur le front endormi,
Et puis le baise-main, de princière envergure.
S'ils ne sont de Judas, cas où ils peuvent nuire,
(Comme ceux échangés près d'un bas parapet,☺)
Les baisers sont chargés de messages de paix.
Néanmoins, les plus beaux, désolé de le dire,
Qui donnent au visage un sympathique aspect,
Sont les baisers donnés dans un simple sourire.
31 SI TU PEUX
Si tu peux commencer ta journée sans café,
La terminer sans te bourrer de somnifères,
Entendre tout, mais ne rien dire et laisser faire,
Ne boire que de l'eau quand tu es assoiffé,
Si tes petits bobos, tu peux les supporter
Sans les faire subir à qui veut les entendre,
Sans prendre une goutte d’alcool, pour te détendre,
Si tu peux réprimer ta faim de liberté,
Si tu peux te borner à tenir la chandelle
Pendant que ta maîtresse invite ses amants
À passer avec elle au lit un bon moment,
Si tu ne gardes de tout ça pas de séquelles,
Si ça te rend même plus fort, contrairement,
Tu es, mon vieux Médor, un bon toutou fidèle.
32 BOCUSE
En voyant mes copains, les entrailles éparses,
J'ai pensé, à vingt ans : la vie est une farce,
Je dois user mon temps à vivre chaque jour
Comme si c'était le dernier, près de mes fours.
J'ai mes deux bacs, un pour l'eau chaude, un pour l'eau froide ;
Je sais que le travail, fait seul ou en escouade,
Demande autant de temps, qu'il soit fait bien ou mal,
Et que vin, beurre et crème, ouvrent l'axe normal.
Deux fois par jour, en bon cabot, comme un artiste,
Je dévoile mes goûts, porté par mes altistes ;
Certains soirs, je voudrais à mon lit faire honneur.
Aujourd'hui, je suis seul, et ce soir, à la brune,
Près de mon chien, de mes canards, au temps des prunes,
Je suis heureux que ça suffise à mon bonheur.
33 COMMENT AVOIR DE VOS NOUVELLES
Vous aimeriez avoir enfin de vos nouvelles,
N'en ayant pas de votre toubib à l'hosto ?
Appelez-donc l'accueil et montez un bateau ;
Dites d'un ton touchant les crédules cervelles,
Être de la famille, un anxieux de première,
Et souhaiter parler à l'un des médecins
Censés vous conserver le corps et l'esprit sain.
Du service impliqué, vous aurez l'infirmière
Qui dira vos désirs au médecin de garde
Qui vous lira votre dossier, sans omission :
Vos urines, votre moral, votre tension ...
Au téléphone, ainsi, par astuce et mégarde,
Vous sera révélé votre état de santé,
Et même quand et à quelle heure vous sortez.
34 POUR ÉTOUFFER TOUTE RÉVOLTE
Pour étouffer toute révolte,
Formatez l'homme en son berceau
Afin qu'adulte il reste sot
Dans ses ténèbres désinvoltes.
Pour éviter qu'il se méfie,
Éloignez-le du premier rang,
Des Montesquieu, des Talleyrand,
De toutes les philosophies.
Quand devant l'écran il s'arrime,
Pour éprouver de grands frissons
Dans ce que sottise et jeux sont,
Offrez-lui le sublime en prime
En montant aux cimes, le son.
De réfléchir, à quoi ça rime ?
35 POUR ÉTOUFFER ... Suite
Mettez le sexe au premier plan
Des cibles de son existence,
La force d'âme, à la potence,
Dans un boucan de rataplans.
La seule peur en son cerveau
Sera d’être exclu du système
Qui lui prodigue ses je t'aime,
Mais qui le traite comme un veau.
Si le veau ne veut rien savoir,
Étant né révolutionnaire,
Si de vos soins, il s'exonère,
Il ne reste que l'abreuvoir
Qui assouvit et rémunère ;
Proposez-lui fric et pouvoir.
36 LE SABLE
À marée haute, en des contrées loin de chez nous,
Des insulaires ont la mer à leurs genoux
Depuis que des États ont récolté le sable
Qui pour ces bas îlots, était indispensable.
Des plages aspirées, pompées sans rémission,
Sont vouées sans espoir à la disparition,
Ainsi que les poissons privés de subsistance,
Qui de leurs bancs, ne comblent plus la pêche intense.
Le sable, en désertant l'empire des tritons,
Disparaît dans le fond des gouffres de béton
Et dans la création d'îles artificielles.
À ce drame, en craignant des suites démentielles,
Gardons le sable qui jadis nous fit rêver,
De nos plages cachées sous nos chemins pavés.
37 POUR FAIRE UN BON MENTEUR
Pour faire un bon menteur, dites des vérités ;
Pas tout le temps et seulement des vraies de vraies
Que vous mélangerez comme grain et ivraie
À vos mensonges dits avec autorité.
Pesez, quand vous mentez, sur chacun de vos mots,
Et si possible, humectez vos yeux d'une larme ;
Ça rend muet le circonspect, ça le désarme,
De votre honnêteté, ça fera la démo.
Et si vous excellez dans le dit des mensonges,
Des fausses vérités, des hypocrites songes,
Devenez avocat, visez le plaidoyer.
Vous ne risquerez pas que votre nez s'allonge
Entre vos manches, en plaidant sans bégayer,
Et en plus, sans mentir, vous serez bien payé.
38 LE DOUTE
Afin de se garder des mortelles blessures
Ou, de l'adversité, d'éviter les morsures,
Il est bien de savoir ce qui est bon pour nous,
Comme lutter debout ou prier à genoux.
Mais il est bien aussi, sans doute est-ce un devoir,
De douter des vertus de ce qu'on croit savoir
Jusqu'à l'instant fatal, ultime, irréversible,
Où l'on doit faire un choix entre mille possibles.
Doutons, frères humains, surtout des vérités
Catéchisées par une pieuse autorité
À laquelle les voix de la raison s'opposent.
Le doute étant la clé dont le sage dispose,
Tirons de lui tout le bénéfice escompté ;
Redoutons seulement que l’État nous l'impose*.
*(le bénéfice, pas le doute ☺)
39 LE SYMBOLE
Qui voit dans un agneau, douceur et innocence,
Dans l’aigle, le génie, l'empire, la puissance,
Sait lire la nature et tout son éventail,
Sous ses degrés divers, en gros et en détail.
S'il voit dans un bourgeon, naissance et espérance,
Inconstance, dans l’eau, souplesse et transparence,
Il sait traduire ce langage universel,
Qui, dans la poésie, rajoute un grain de sel.
S'il voit dans tout cela, non pas des fariboles,
Mais, (souffrons le plagiat), des forêts de symboles,
Dans le Temple de Thot, qu'il entre ce lascar,
Qu'il allie le symbole et la poésie car
Le symbole est la voix d'une langue muette,
Qui fait la joie du symboliste et du poète.
40 JE PASSAIS AU PIANO
Comme pour pianoter, disait-il, j'avais l'âme,
Devant un vieux clavier, papa me mit très tôt,
Legato, staccato, me fit faire des gammes,
Cherchant dans mes lento des talents digitaux.
Je souris aujourd'hui devant mon innocence,
Quand mon père invitait des amis à dîner,
À ce moment vibrant d'un plein d'effervescence,
Qu'attendaient, impatients, nos hôtes avinés.
Notre bonne à tout faire et bonne cuisinière,
Arrivait habillée d'un léger kimono
En feignant mais pas trop de faire des manières.
Le moment n'était plus alors à la parole ;
Tandis que moi, béat, je passais au piano,
Notre geisha passait, elle, à ses casseroles.
41 PLONGEONS
Pensant à ce plongeon qui m'a brisé le cou,
Que j'ai souvent jugé tout à fait regrettable,
Qui sait pourquoi, je réalise tout à coup
Que ma vie fut marquée par maints plongeons notables.
Il y en eut d'heureux dont j'eus pu être fier
Si nous n'étions, mortels, otages de la chance,
Et des plus malheureux qu'à tort je faisais hier,
Ma chance m'ayant fui, manquant d'intelligence.
Pensant que nos plongeons, civils ou sauvageons,
Sont pour nos filles, nos garçons et leurs surgeons,
Le passage obligé, l'essentielle exigence
Pour qu'un jour ait eu lieu leur vivante émergence,
Pour l'ensemble varié de mes divers plongeons,
Chers enfants de ma chair, ayez de l'indulgence.
le 11 03 2018 pour Siou, mais aussi, pour Amel & Lio
42 LE PÈLERIN PERDU
Du sable plein les yeux, en tunique et savates,
Un pèlerin perdu priait dans le désert,
Espérant voir jaillir une eau fraîche en geyser,
Quand parut en nœud pap, un vendeur de cravates ;
Il en vendait beaucoup mais ne vendait pas d'eau,
Ni cet autre vendeur qui vendait ses régates
Décorées de moineaux, d'étourneaux, d'effarvattes ...
Notre homme leur dit niet et leur tourna le dos.
Comme un miracle, enfin, jaillit une oasis,
La même dont, lecteurs, un été vous rêvâtes,
Éclairée de néons vantant l'eau, le pastis...
Le pèlerin courut, rêvant d'eau et d'anis,
Mais un panneau stoppa son impulsive hâte :
''Dans cette oasis là, nul n'entre sans cravate''.
43 St JACQUES DE COMPOSTELLE
Le but de ce voyage est la route. Suivie
Par des marcheurs indifférents aux vains sommets,
Qui découvrent leur corps, souffrent comme jamais,
Elle met de côté leur quotidienne vie.
Le pèlerin n'est jamais sûr de repartir ;
Il doute de ce qu'il fait là ; pourquoi il marche ?
Va t-il trouver des lois écrites dans cette arche
En échangeant des mots qui ne sauraient mentir ?
Dans ce voyage là, pas de plats apprêtés ;
Aux haltes souhaitées, eau, sandwichs et laitages,
Biscuits, fruits, chocolat, rarement davantage.
Le marcheur en buvant sa coupe d'âpreté,
Se ressent pauvre mais ... plein d'une pauvreté
Qui devient joie, devient valeur dans le partage.
44 St JACQUES (suite)
Dès l'aurore il se met à marcher sur les pas
Des croyants, des curieux, depuis le Moyen-Âge,
Qui parfois croisent Dieu ou le Saint personnage
Que l'église inspirée, de légende, drapa.
Son exploit méconnaît chapelets, patenôtres,
Temps à souffrir et kilomètres parcourus,
Mais un fait apparaît sur ces sentiers courus :
''Les uns font le chemin, le chemin fait les autres.''
Souvent en matinée, s'offre à lui Compostelle ;
Cathédrale, caveau, souvenirs médiévaux,
Terminent son voyage et ses rudes travaux.
Ses vêtements brûlés devant la mer pour stèle,
Mise en son sac à dos, la coquille immortelle,
Sur une voie ferrée roule un homme nouveau.
45 ARNAUD BELTRAME
Quelle cause a poussé le colonel Beltrame
À s'inscrire au tableau des haut-faits honorés ?
''C'est sa foi de chrétien, la généreuse trame
De son étoffe de héros, dit le curé''.
La cause de son geste est peut-être sa foi,
Pense le Franc-Maçon, son humaniste frère,
Sa foi dans l'être humain, laïque toutefois,
Avec tout le respect que ces deux fois confèrent.
Aucune cause au monde, à elle seule explique
Son geste généreux d'une extrême cherté,
Fût-elle rationnelle ou d'essence biblique,
Mais on pourrait graver, entre rage et fierté :
''Cet homme était un soldat de la république,
Qui défendait, plus que sa vie, la liberté''.
46 EN T’ATTENDANT,
Prends le temps, petit d’homme, aquatique chaînon,
Prends le temps délicat de ta métamorphose,
Il nous reste à trouver le plus beau des prénoms,
La cerise au sommet de ton apothéose.
Rien ne viendra troubler l'inconsciente quiétude
Dans laquelle tu es, bien au chaud dans ton eau,
Rien ne compte pour nous que ta zen attitude
Et l'imprévu de tes coups de pieds matinaux.
Dans peu de temps, petit veinard, en ton honneur,
Nous fêterons ton aube en notre beau système
Où plaisir et douleur sont les deux seuls grands thèmes.
Fille ou garçon, nous tes parents sommes preneurs ;
Après être sorti d'où tu nageais dans le bonheur,
Avant d'ouvrir les yeux, tu verras comme on t’aime.
47 HOMMAGE À ROGER
Heureux sont ceux qui ont au monde des copains,
Des camarades, des collègues et des frères,
Qu'ils aiment sans raisons clairement arbitraires,
Comme on aime d'instinct l'amour et le bon pain.
Mais ceux-ci qu'à déjà satisfait la nature,
Se voient plongés dans un bonheur additionnel
Quand ils ont dans leur cercle un être exceptionnel
Qui, de ce cercle ami, résout la quadrature.
Ces gens heureux, c'est nous, aujourd'hui réunis
Pour dire un grand merci à l'enfant d'Archimède
Qui depuis cinquante ans, sans aucun intermède,
Montre sans prétention son courage infini,
Pour lui dire combien son œuvre nous importe,
Pour te dire, Roger, tout l'amour qu'on te porte.
48 LA FRANCE EST BELLE
Malgré ses grèves drues ébranlant ses pavés,
Sa façon de râler charnelle et coutumière,
Mais grâce à son passé, ses lettres, ses lumières,
Perçue de l'étranger, la France fait rêver.
Les marques d'amitié de la planète entière,
Après que des fous de Dieu nous ont assaillis,
Nous ont meurtris, ont montré que notre pays
Jouissait d'une aura débordant ses frontières.
Ce pays fascinant, hélas, est fantasmé,
Mais comment pourrait-on au fond ne pas aimer
Ce petit coin de terre où l'on ne s'agenouille
Que devant un fromage hautement parfumé,
Où jamais on ne voit, dans la troupe, des nouilles,
Et où, sautées au beurre, on aime les grenouilles.
49 LA FRANCE EST BELLE (suite)
Oui, notre France est belle, entre mers et montagnes,
Du Nord aux Pyrénées, de l'Est à la Bretagne ;
On y travaille, y vit les jours ensoleillés
Et sombres mais ... on n'y vit pas pour travailler.
On y aime Paris, sa ville ou son village,
Mais on a deux amours, et sans être volage,
On voudrait vivre à Aix, explorer ses marchés,
Sur les pas victorieux de Cézanne, marcher.
Et moi j'habite à quelques pas de la Rotonde,
À l'abri du mistral et des esprits quinteux,
Près d'un val ancestral où se cache l'osmonde.
Parfois, en fatiguant les chemins caillouteux,
J'éprouve un sentiment joyeusement honteux,
De vivre là, dans le plus bel endroit du monde.
50 GÉNÉROSITÉ & INGRATITUDE
Est généreux qui donne aux autres de son temps,
Qui prête son oreille à l'ami qui s'épanche,
Sur une âme perdue, l’œil ému, qui se penche,
Qui donne comme il paie son essence, au comptant.
Est généreux qui se sent plus riche en donnant,
Qui n'attend rien en échange de ce qu'il donne,
Qui sait tourner les pages sombres, qui pardonne,
Qui, même à son volant, se montre prévenant.
Peut être généreux, le riche ou l'indigent,
Guidé par ses moyens, selon ses habitudes ;
Qu'importe sa façon à lui d'être obligeant,
Mais celle qui consiste à donner moult argent,
L'affirment ceux qui ont tenu cette attitude,
Ne recueille en retour qu'autant d'ingratitude.